C'est
bientôt l'été, et qui dit été dit également saga de l'été. Afin de
faire mentir le célèbre proverbe parisien (en avril ne te découvre pas
d'un fil, en mai, ne te découvre pas d'un fil, en juin, ne te découvre
pas d'un fil), j'ai décidé de vous faire profiter, chers amis, d'une
sympathique baston entre les journalistes d'un torchon raciste et
prétendument de gauche (Marianne) et les intellectuels du collectif de
critique des médias
Acrimed - Action-Critique-Médias
- soucieux d'établir une critique radicale des faits médiatiques dans
le prolongement des passionnants travaux que Bourdieu, Halimi,
Champagne, Chomsky et bien d'autres ont pondu sur le sujet.
Marianne, très mal à l'aise avec le fait de se réclamer de gauche alors
que la plupart de ses membres sont de grands bourgeois moralisateurs,
amis de la police, de l'ordre et de la France, a décidé de faire sa
"une" sur les complices de l'islamisme - au gré d'un dossier fort
original, comme en commettent également Valeurs Actuelles, Le Point,
Minute ou encore l'Express sur le sujet. Fidèle en cela à la vulgate
médiatique dominante à la sauce Fourest, l'hebdomadaire voue à la
vindicte populaire comme cinquième colonne des méchants salafistes à peu
près tous ceux qui n'adhèrent pas à l'idéologie Vallso-Charliste - ceux
qui pensent qu'on ne résout pas les questions liées au terrorisme en
criant très fort que les terroristes sont méchants et en payant très
cher des entreprises privées pour mettre plein de caméras partout, mais
plutôt en tâchant d'y trouver une explication et en agissant sur la
cause pour mieux prévenir les effets. Au hasard, l'"extrême gauche" dont
l'opposition à la politique coloniale d'Israël sur le territoire
palestinien serait le masque d'un antisémitisme larvé, les diplomates
non alignés sur la doctrine sioniste, les mouvements anticoloniaux
(Indigènes de la République et Indivisibles), les élus locaux qui
"cèdent au communautarisme", et enfin la radio Beur FM - coupable de
revendiquer cette si indigne beuritude.
Petit retour en arrière. En 1999, l'hebdomadaire "l'Evenement"
consacrait sa une, en pleine campagne médiatique contre Milosevic, qui
incarnait le Hitler de la fin du siècle et le mal absolu, aux "complices
de Milosevic" - c'est à dire à ceux qui émettaient des doutes sur
l'intervention armée de l'OTAN. Etaient cités pêle-mêle "la famille
anti-américaine" (Pierre Bourdieu, Max Gallo, Jean-Luc Mélenchon, Noam
Chomsky, Serge Halimi, l'Huma, le Monde Diplo...), la famille "pacifiste
intégriste" (Gisèle Halimi, l'abbé Pierre, Renaud Séchan, le PCF, le
MRAP, la LCR devenue depuis le NPA...), la famille souverainiste
(Charles Pasqua, Max Gallo...) ou encore la famille rouge-brun, la
famille serbophile et la famille "croisade orthodoxe" avec à sa tête
Soljenytsine. Ouf.
Sauf qu'à l'époque, pour pratiquer ce genre de
couvertures aussi pleines d'amalgames et de mensonges qu'elles reposent
sur une logique d'opprobe et de délation, L'Evénement avait l'excuse
d'appartenir à un marchand d'armes (Lagardère) impliqué dans le conflit.
Rien de tel dans le cas de Marianne, seulement mû par le désir de
prendre des parts de marché dans la bulle spéculative de l'islamophobie
médiatique et qui se retrouve, avec une fierté gogole, à jouer les
Torquemada de la lutte contre l'obscurantisme (à grand renfort de
campagnes d'affichage intensives) pour accomplir un geste parfaitement
pavlovien : suivre (comme un caniche la doctrine islamophobe) et se
distinguant (vous avez aimé l'islamophobie de droite ? vous allez adorer
l'islamophobie de gauche ! avec Marianne, tu as toujours un racisme
adapté à ton positionnement politique!).
Gogole, disions-nous. Et
d'une idiotie qui pousse parfois à la témérité. Tel est le cas d'Eric
Conan, principale plume ayant déféqué le dossier susmentionné, et qui,
voulant sans doute plaire à l'éditocratie (Val, Fourest, BHL,
Finkielkraut ou Elie Cohen voient dans les critiques radicaux des médias
un vaste complot antisémite, PTDR) a poussé l'audace jusqu'à inculper
le brillant Julien Salingue (professeur à l'Université Paris VIII,
militant du NPA, de la campagne de Boycott Désinvestissement et
Sanctions contre Israël et membre d'Acrimed, donc) d'être excessivement
complaisant avec les dangereux fous d''Allah qui traîneraient dans les
locaux de Beur FM. Mal lui en a pris : il s'est fait éparpiller façon
puzzle et il se dit qu'il pourrait connaître d'ici peu le même sort que
son ancien patron Jean-François Kahn - qui quitta en martyre la
profession de journaliste après le tollé qu'il avait provoqué en
estimant que l'affaire DSK relevait du "troussage de domestique".
Il en ressort, au-delà des nombreuses inexactitudes, amalgames et
manipulations intentionnelles (notamment d'une dépêche AFP) dont
s'abreuve la prose de Conan, sa prétendue "enquête exclusive" repose
quasi-intégralement sur des citations glanées ailleurs, bref :
feignasse, tournant le dos aux faits et manipulant les paroles, Eric
Conan passe pour un demeuré, et on se fend la poire.
Depuis, Beur FM se paie gentiment la tronche de Marianne, comme vous pouvez en juger :
Et on aurait pu en rester là : tête basse en queue entre les pattes,
Marianne aurait pour une fois fermer sa grande gueule fétide et ça nous
aurait fait du bien. C'est mal connaître la bande à Macé-Scaron (toutou
de la bourgeoisie parisienne dont les antécédents plagiaires connus de
tous lui ont valu sa rapide ascension dans l'organigramme de l'hebdo),
et aussitôt, toute honte bue, le site de Marianne publie ceci :
Un papier qui répond à côté, donc, et dont l'auteur en est réduit à
reprocher à Acrimed la longueur de son papier (!!!). Et que croyez-vous
qu'il arriva ? Malgré la gêne évidente que produit immanquablement la
lecture de cet article (signé par toute la rédaction qui fait corps POUR
la désinformation pas CONTRE l'islamisme), l'association Acrimed, dans
un élan de ferveur chrétienne et de générosité pédagogique, a répondu
avec les mots de Mathias Reymond, portant cruellement l'estocade finale :
Rien n'aura été épargné à Marianne, même pas le dévoilement de son
poussif subterfuge pour ne pas affronter la contradiction, puisé dans le
jouissif "L'Art d'avoir toujours raison" d'Arthur Schopenauer : « Quand
l’on s’aperçoit que l’on est battu, on opère une diversion : autrement
dit, on se jette tout d’un coup dans un tout autre propos, comme s’il
faisait partie du sujet et était un argument contre votre adversaire. Ce
qui a lieu avec un peu de discrétion, lorsque la diversion reste malgré
tout liée au thema quaestionis ; et impudemment, lorsque l’attaque
n’est relative qu’à l’adversaire et n’a rien à voir avec le sujet du
débat. »
En mon incommensurable mansuétude, je porte à la
connaissance d'Eric Conan une annonce du Monoprix en haut de ma rue :
"cherche vendeur(se) polyvalent(e) et manutentionnaire (pas d'expérience
requise)". De rien.