30.5.15

Le film d'action de la semaine

C'est bientôt l'été, et qui dit été dit également saga de l'été. Afin de faire mentir le célèbre proverbe parisien (en avril ne te découvre pas d'un fil, en mai, ne te découvre pas d'un fil, en juin, ne te découvre pas d'un fil), j'ai décidé de vous faire profiter, chers amis, d'une sympathique baston entre les journalistes d'un torchon raciste et prétendument de gauche (Marianne) et les intellectuels du collectif de critique des médias Acrimed - Action-Critique-Médias - soucieux d'établir une critique radicale des faits médiatiques dans le prolongement des passionnants travaux que Bourdieu, Halimi, Champagne, Chomsky et bien d'autres ont pondu sur le sujet.

Marianne, très mal à l'aise avec le fait de se réclamer de gauche alors que la plupart de ses membres sont de grands bourgeois moralisateurs, amis de la police, de l'ordre et de la France, a décidé de faire sa "une" sur les complices de l'islamisme - au gré d'un dossier fort original, comme en commettent également Valeurs Actuelles, Le Point, Minute ou encore l'Express sur le sujet. Fidèle en cela à la vulgate médiatique dominante à la sauce Fourest, l'hebdomadaire voue à la vindicte populaire comme cinquième colonne des méchants salafistes à peu près tous ceux qui n'adhèrent pas à l'idéologie Vallso-Charliste - ceux qui pensent qu'on ne résout pas les questions liées au terrorisme en criant très fort que les terroristes sont méchants et en payant très cher des entreprises privées pour mettre plein de caméras partout, mais plutôt en tâchant d'y trouver une explication et en agissant sur la cause pour mieux prévenir les effets. Au hasard, l'"extrême gauche" dont l'opposition à la politique coloniale d'Israël sur le territoire palestinien serait le masque d'un antisémitisme larvé, les diplomates non alignés sur la doctrine sioniste, les mouvements anticoloniaux (Indigènes de la République et Indivisibles), les élus locaux qui "cèdent au communautarisme", et enfin la radio Beur FM - coupable de revendiquer cette si indigne beuritude.


Petit retour en arrière. En 1999, l'hebdomadaire "l'Evenement" consacrait sa une, en pleine campagne médiatique contre Milosevic, qui incarnait le Hitler de la fin du siècle et le mal absolu, aux "complices de Milosevic" - c'est à dire à ceux qui émettaient des doutes sur l'intervention armée de l'OTAN. Etaient cités pêle-mêle "la famille anti-américaine" (Pierre Bourdieu, Max Gallo, Jean-Luc Mélenchon, Noam Chomsky, Serge Halimi, l'Huma, le Monde Diplo...), la famille "pacifiste intégriste" (Gisèle Halimi, l'abbé Pierre, Renaud Séchan, le PCF, le MRAP, la LCR devenue depuis le NPA...), la famille souverainiste (Charles Pasqua, Max Gallo...) ou encore la famille rouge-brun, la famille serbophile et la famille "croisade orthodoxe" avec à sa tête Soljenytsine. Ouf.

Sauf qu'à l'époque, pour pratiquer ce genre de couvertures aussi pleines d'amalgames et de mensonges qu'elles reposent sur une logique d'opprobe et de délation, L'Evénement avait l'excuse d'appartenir à un marchand d'armes (Lagardère) impliqué dans le conflit. Rien de tel dans le cas de Marianne, seulement mû par le désir de prendre des parts de marché dans la bulle spéculative de l'islamophobie médiatique et qui se retrouve, avec une fierté gogole, à jouer les Torquemada de la lutte contre l'obscurantisme (à grand renfort de campagnes d'affichage intensives) pour accomplir un geste parfaitement pavlovien : suivre (comme un caniche la doctrine islamophobe) et se distinguant (vous avez aimé l'islamophobie de droite ? vous allez adorer l'islamophobie de gauche ! avec Marianne, tu as toujours un racisme adapté à ton positionnement politique!).

Gogole, disions-nous. Et d'une idiotie qui pousse parfois à la témérité. Tel est le cas d'Eric Conan, principale plume ayant déféqué le dossier susmentionné, et qui, voulant sans doute plaire à l'éditocratie (Val, Fourest, BHL, Finkielkraut ou Elie Cohen voient dans les critiques radicaux des médias un vaste complot antisémite, PTDR) a poussé l'audace jusqu'à inculper le brillant Julien Salingue (professeur à l'Université Paris VIII, militant du NPA, de la campagne de Boycott Désinvestissement et Sanctions contre Israël et membre d'Acrimed, donc) d'être excessivement complaisant avec les dangereux fous d''Allah qui traîneraient dans les locaux de Beur FM. Mal lui en a pris : il s'est fait éparpiller façon puzzle et il se dit qu'il pourrait connaître d'ici peu le même sort que son ancien patron Jean-François Kahn - qui quitta en martyre la profession de journaliste après le tollé qu'il avait provoqué en estimant que l'affaire DSK relevait du "troussage de domestique".


Il en ressort, au-delà des nombreuses inexactitudes, amalgames et manipulations intentionnelles (notamment d'une dépêche AFP) dont s'abreuve la prose de Conan, sa prétendue "enquête exclusive" repose quasi-intégralement sur des citations glanées ailleurs, bref : feignasse, tournant le dos aux faits et manipulant les paroles, Eric Conan passe pour un demeuré, et on se fend la poire.
Depuis, Beur FM se paie gentiment la tronche de Marianne, comme vous pouvez en juger : 


Et on aurait pu en rester là : tête basse en queue entre les pattes, Marianne aurait pour une fois fermer sa grande gueule fétide et ça nous aurait fait du bien. C'est mal connaître la bande à Macé-Scaron (toutou de la bourgeoisie parisienne dont les antécédents plagiaires connus de tous lui ont valu sa rapide ascension dans l'organigramme de l'hebdo), et aussitôt, toute honte bue, le site de Marianne publie ceci :


Un papier qui répond à côté, donc, et dont l'auteur en est réduit à reprocher à Acrimed la longueur de son papier (!!!). Et que croyez-vous qu'il arriva ? Malgré la gêne évidente que produit immanquablement la lecture de cet article (signé par toute la rédaction qui fait corps POUR la désinformation pas CONTRE l'islamisme), l'association Acrimed, dans un élan de ferveur chrétienne et de générosité pédagogique, a répondu avec les mots de Mathias Reymond, portant cruellement l'estocade finale :


Rien n'aura été épargné à Marianne, même pas le dévoilement de son poussif subterfuge pour ne pas affronter la contradiction, puisé dans le jouissif "L'Art d'avoir toujours raison" d'Arthur Schopenauer : « Quand l’on s’aperçoit que l’on est battu, on opère une diversion : autrement dit, on se jette tout d’un coup dans un tout autre propos, comme s’il faisait partie du sujet et était un argument contre votre adversaire. Ce qui a lieu avec un peu de discrétion, lorsque la diversion reste malgré tout liée au thema quaestionis ; et impudemment, lorsque l’attaque n’est relative qu’à l’adversaire et n’a rien à voir avec le sujet du débat. »

En mon incommensurable mansuétude, je porte à la connaissance d'Eric Conan une annonce du Monoprix en haut de ma rue : "cherche vendeur(se) polyvalent(e) et manutentionnaire (pas d'expérience requise)". De rien.

1 comment:

Anonymous said...

c'est fini ?