14.11.15

Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve


Au milieu de cet abominable carnage, au faîte de la détresse, on a vu des gens ordinaires risquer leur vie pour des gens qu'ils ne connaissaient pas, on a vu des riverains ouvrir leurs portes à des inconnus pour les préserver du danger, on a vu enfin, dans monde où la promotion de l'égoïsme est vécue comme l'élégance suprême, des gens capables, naturellement et anonymement, d'empathie et d'entraide. Tout à coup, le souci pour les autres est devenu une évidence, et on s'est tous pris à s'inquiéter du sort de nos proches. Tout n'est peut-être pas foutu.

Peut-être. Car ces réflexes d'humanité si beaux, cette force collective spontanée, nombreux sont ceux qui essaient de la canaliser à leur profit, donc de la détourner, voire de la confisquer. L'Etat (tout comme la plupart des partis qui en ambitionnent les manettes) ne manque pas de sommer les braves gens de lui faire confiance, tout en restreignant nos "libertés publiques" - plus précisément les droits qu'il prétend nous garantir avec tant d'efficacité. Facebook fait de la détresse une application de plus et du deuil un effet de mode chromatique. Tout cela crée un cadre, duquel il est malvenu de sortir - en même temps que se diffuse l'idée absurde qu'au nom du deuil, ce ne serait pas le moment de réfléchir.

Etrange deuil que celui qui exige que l'on cède à l'inertie, à la dépression et à un "tous-ensemble-tous-ensemble-ouais" sans contenu apparent. Je trouve au contraire que ces moments exceptionnels ont malgré tout le mérite de pousser chacun à parler, et même s'il en ressort des choses maladroites, ça ne peut pas être une mauvaise chose. Faire le deuil ce n'est pas forcément rester silencieux. Ce n'est pas non plus faire précisément ce que les terroristes attendent de nous - nous réfugier dans les robes de l'Etat et nous draper dans notre civilisation. Réagir en parlant, en écrivant, en dessinant est encore la meilleure réponse à ceux qui veulent nous faire taire, quels qu'ils soient. Si possible en nous passant de ceux qui prétendent parler et décider à notre place.

"Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'un ni l'autre et perdra les deux" disait Benjamin Franklin (c'est ma soirée "citations"). C'est ce qu'il nous faut éviter.

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